Lettres de Marcel PROUST, L’enfance et l’adolescence

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Audiobook lu par Guillaume Gallienne

Paru aux Éditions Thélème

Le recueil est constitué de 39 lettres. Les premières, très courtes, adressées au grand-père, à la grand-mère sont celles d’un garçonnet de 8 ans aux préoccupations enfantines puis le narrateur grandit, le style s’étoffe, la phrase prend de l’ampleur. Dès la 5ème ou 6ème lettre, Proust, âgé d’une quinzaine d’années, écrit des lettres où pointent l’humour et déjà un certain style, tantôt commentant ses lectures, tantôt décrivant les gens qui l’entourent et parvenant à les croquer savoureusement. On est surpris que, Proust, si jeune homme aborde avec tant de liberté certains thèmes comme la masturbation, la pédérastie ou le bordel. On est fasciné de voir comment dans ces lettres certains personnages de La Recherche sont déjà contenus en germe. Le recueil s’achève par des lettres polissonnes et amoureuses à Reynaldo Han.

J’ai regretté que certaines lettres ne soient pas accompagnées d’un court préambule explicatif pour préciser un contexte ou les liens qui unissaient Proust à certaines personnes comme Daniel Halévy, Jacques Bizet ou Mme Strauss. Évidemment une simple recherche sur Google supplée rapidement ce manque, ce n’est donc pas un défaut, juste quelque chose qu’on pourrait s’attendre à trouver, comme des notes en bas de pages d’un roman.

Peut-être que, pour un lecteur du XXI ème siècle, peu familier des phrases complexes et des références érudites, l’écoute paraîtra-t-elle un peu difficile au début mais c’est là tout le pouvoir de ces lettres et de la lecture intimiste qu’en fait Guillaume Gallienne, on peut aussi les écouter comme on écoute un poème et se laisser porter par le rythme, la tonalité, la petite musique si particulière à la phrase proustienne. D’ailleurs, certaines lettres méritent d’être écoutées plusieurs fois pour en goûter toutes les richesses.

En conclusion, ces lettres sont une manière agréable tout en restant intellectuellement exigeante de découvrir l’univers proustien, de se familiariser avec un style, une sensibilité et une liberté de ton et cela donne assurément envie d’en lire ou d’en écouter plus.

J’ai été ravie d’avoir été sélectionnée, dans le cadre de l’opération « Masse critique », pour écouter et commenter ce CD puisque je souhaitais lire Proust depuis longtemps mais que j’ai toujours repoussé ce moment de confrontation avec une telle œuvre.  Merci à Babelio et aux Éditions Thélème de m’avoir permis de faire ce premier pas.

Comme par magie, Elizabeth Gilbert

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Sur le ton de la conversation Elizabeth Gilbert nous livre ses réflexions sur la créativité et les processus qui permettent de mener une vie créative. Dans un style clair, avec abondance de métaphores souvent amusantes, elle nous trace le portrait de l’inspiration. Ce génie qui vient parfois se percher sur notre épaule ou s’invite à notre table de travail tel le Daïmon de Socrate. Utilisant des anecdotes de sa propre vie ou évoquant des poètes ou des écrivains qui l’ont inspirée, elle déconstruit les croyances qui nous empêchent de nous exprimer, de créer. Avec beaucoup d’humour et de bon sens elle parvient à nous réconcilier avec nos aspirations créatrices et son livre est comme une eau pétillante qui donne ou redonne envie de nous remettre à notre table de travail.

Un livre qui atteint sa cible en nous donnant furieusement envie de mettre en application les conseils avisés de l’auteur.

Merci aux éditions Calmann-Lévy et à Net Galley de m’avoir permis de lire cet ouvrage en exclusivité.

L’arbre du pays Tojara, Philippe Claudel

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« Parce que c’était lui ; parce que c’était moi. » Essais, Montaigne

Tout commence avec l’île de Sulawesi et ses habitants, les Tojara, dont certains rites funéraires donnent leur nom au récit. Et puis, tel Thésée dévidant le fil d’Ariane, l’auteur déroule ses pensées sur la mort. Celle qu’il sent rôder, si proche, parce qu’elle lui a pris son meilleur ami, Eugène, et celle qui se dessine en creux en chacun de nous.

C’est une réflexion sur la vie, sur l’art, sur la création littéraire et cinématographique. Il n’y a rien dans le ton de pompeux ou de grandiloquent. Certaines de ces pensées prennent la forme de notes, d’introspections qu’on pourrait trouver dans un journal intime. Parfois, elles ont la banalité d’une conversation comme si nous étions avec le narrateur dans une brasserie parisienne buvant une bière ou dans un petit village indonésien, fumant avec lui des kretek.

C’est un journal de deuil, un hommage à l’ami disparu. Les Tojara sculptent une cavité dans un arbre pour en faire la sépulture des très jeunes enfants, ici, c’est le récit qui se fait tombeau pour enchâsser les souvenirs de l’ami perdu.

« Près d’un village du pays Toraja situé dans une clairière , on m’a fait voir un arbre particulier. Remarquable et majestueux, il se dresse dans la forêt à quelques centaines de mètres en contrebas des maisons. C’est une sépulture réservée aux très jeunes enfants venant à mourir au cours des premiers mois. Une cavité est sculptée à même le tronc de l’arbre. On y dépose le petit mort emmailloté d’un linceul. On ferme la tombe ligneuse par un entrelacs de branchages et de tissus. Au fil des ans, lentement, la chair de l’arbre se referme, gardant le corps de l’enfant dans son grand corps à lui, sous son écorce ressoudée. Alors peu à peu commence le voyage qui le fait monter vers les cieux, au rythme patient de la croissance de l’arbre ».

Le récit est appelé roman mais on ne peut s’empêcher de penser qu’il a des accents autobiographiques et, comme à Delphine de Vigan, on a envie de demander à Philippe Claudel si c’est D’après une histoire vraie ?

Je remercie les éditions Stock et Netgalley qui m’ont permis de lire et de critiquer ce roman.